Saint-Gui du 20 novembre 2010
Restaurant l'HoirieL a Beaucouzé
Pour la Saint-Gui 2010 de la Confrérie, rendez-vous pique-nique à 19 h 28 en l'auberge de l'Hoirie à Beaucouzé.
Pétants les échansons. A 19 h 30, tutta la familia è là (petit clin d'œil à notre Maître Argentier).
Une foule compacte se presse dans la salle à manger surchauffée. Un grand tohu-bohu de bavardages augure une soirée animée. Chaque table est baptisée d'un nom m'as-tu-vu, mystérieux, abscons. Heureusement, Denis Martin ne nous laissera pas mourir idiot. Nous aurons droit à quelques éclairages savants en fin de soirée.
Stéphane Renon, le Maître des Cérémonies, qui se qualifie lui-même d'intermittent des échansons, déclare ouverte la 192ème cérémonie de la Saint-Gui.
Là donc, le Maître des Cérémonies appelle au Pressoir, le Grand échanson, le Maître Laudateur et les Ambassadeurs. Après quelques mots, un peu hésitants, du Grand Echanson, le Maître Laudateur, Philippe Guimon prononce les traditionnels mots qui débondent la cérémonie d'intronisation des impétrants par l'épreuve, dite de l'érafleuse : "Futurs Echansons, Futures Echansonnes, votre souhait a été de vouloir appartenir à notre aimable assemblée, ce dont nous nous félicitons tous. Toutefois, avant de savoir si vous possédez les qualités requises pour être des nôtres, nous aimerions que tous, céans réunis, puissions ouïr ce que vont dire de vous nos deux Maîtres ambassadeurs."
Le Grand échanson s'adresse, alors, solennellement aux impétrants : "Mes amis, grâce à l'érafleuse subtilement maniée par nos Ambassadeurs, nous avons pu apprécier vos précieuses qualités qui se sont révélées tout au long de l'épreuve...." J'abrège... "Compagnons, réjouissons-nous des qualités de nos futurs Echansons. Notre chère Confrérie s'honorera bientôt de les accueillir en son sein ! Aussi fêtons cela dès à présent !"
Comme un seul homme l'assemblée se lève, et Patrice s'exclame joyeusement "Haut les coupes, buvons ! Et banquetons !"
L'Ackermann Grande Réserve réjouit les palais, ravit les papilles, glougloute à flots dans les gosiers.
L'Echanson Epistolier prend des notes.
Les mises en bouche font leur entrée :
Quiches saveur poireau
Consommé de légume y croûtons
Petits légumes et feuilleté roulé d'olives noires
La plupart des échansons préfèrent le Meursault 2006, mais trouvent que le Côte du Rhône se marie mieux avec les mises en bouche. Avis de spécialistes !
Les amuse-bouche ont à peine fini d'amuser, que le Maître des Cérémonies appelle au pressoir, le Grand Echanson, le Maître Laudateur et le Maître de Chais. Mais une prononciation pataquès a transformé le Maître de Chais en Maître déchets. Un immense éclat de rire salue ce lapsus certainement involontaire. Dans un brouhaha de lazzis qui font pouffer tout le monde, sauf le Maître de Chais, Stéphane appelle les candidats à venir derechef au Pressoir.
Le Maître Laudateur énonce ses recommandations aux impétrants, appuyé par le Maître de Chais, puis leur pose la question de confiance : "Chers amis je vais vous demander de promettre :
-De toujours chercher à découvrir,
-De toujours désirer apprendre à connaître,
-De toujours aimer et défendre tous les bons produits de nos vignobles et de nos bonnes tables de France.
Vous y engagez-vous ? "
Probablement impressionnés par la solennité de l'instant, les futurs échansons gargouillent un "oui" presque inaudible. Remue-ménage de réprobations dans l'assistance. Patrice Besnard saisit l'occasion et glousse en désignant les petits nouveaux penauds : "Les déchets sont là !". A une table Didier renchérit : "A partir de deux, ça fait un tas !".
Piqués au lard, les candidats se reprennent et expriment un "oui !" presque ronflant.
Le Grand Echanson conclut : "Chers amis, levons-nous afin de porter une santé à la promesse de nos candidats ainsi qu'à nos belles provinces vigneronnes et notre Val de Loire.
Haut les coupes, buvons ! Et maintenant banquetons !"
L'échanson Epistolier prend toujours des notes.
Le premier plat arrive :
Brochette de langoustines croustillantes
Sushi de betterave blanche au tourteau et caramel de betterave
Cassolette de couteaux gratinés
Crème d'huîtres
Le chef s'est surpassé dans l'originalité, mais assurément il vaut mieux affectionner les fruits de mer.
Le Maître des Cérémonies a finement remarqué, qu'écrasé par la lourdeur de sa charge, le Président se prenait parfois la langue dans le tapis. Il l'appelle donc, en déclarant sournoisement qu'il aurait bientôt besoin d'un coach. Mais tel est pris qui croyait prendre, Stéphane appelle au pressoir les Maîtres Bouteillers par erreur. Quelle erreur ! Denis, sort un de ces placages dont il a le secret, en lui susurrant qu'il aurait bientôt besoin d'un coach.
Le Grand Echanson, imperturbable, propose de présenter les doctes membres du Chapitre. Le podium virtuel où se déroule la cérémonie est à peine assez grand pour accueillir tout le monde. La Confrérie grande gardienne des traditions en oublie une : la réputée galanterie françoise. Les gentes dames du chapitre ne bénéficient d'aucune civilité particulière. Et c'est dans une bousculade de métro à six heures du soir que le président fait sa présentation.
Puis chaque membre du chapitre regagne sa place, à l'exception du Grand Echanson, du Maître Laudateur, des Maîtres Argentiers, Renzo et Béatrice et du Chancelier, Dominique.
Le Maître des Cérémonies : "Nous allons procéder à la cuvaison de nos candidats."
Et il convoque derechef les candidats ; Tayeb Kacem, celui qui brille des sourcils ! Et ainsi de suite....
Le Maître Laudateur rappelle le credo que doit respecter un parfait échanson, puis conclut : "Futures consoeurs et confrères le promettez-vous !"
Alain Batel, échaudé par la bronca qui avait salué la désolante timidité de leur première approbation, lance un "Oui je le promets !" retentissant, qui fait vibrer le plafond.
Tayeb Kacem s'écrie "Buvons !".
La famille échansonne se lève et trinque. Tchin-tchin ! Floc ! Floc !
L'Echanson Epistolier continue de prendre des notes.
Le deuxième plat arrive :
Cuisse de pigeon rôti avec sa compression de boudin noir et pomme fruit.
Curieusement l'appréciation du vin rouge ressemble à celle du vin blanc. A la dégustation, les convives préfèrent le Moulis 2000, mais jugent que le Madiran, château de Viella 2001, se marie mieux avec le plat. Tout l'art de l'accord mets-vins.
C'est l'instant que choisi Denis Martin pour expliciter le nom des tables : Hébé, fille de Zeus, échansonne des dieux ; Ganymède, successeur d'Hédé ; Pélops, échanson de Poséidon ; Béhémoth, le Grand Echanson des Enfers ; Néhémie, échanson du roi perse Artaxerxès Ier...
Denis précise que la fonction d'échanson est très ancienne, d'ailleurs notre Maître de Chais était déjà l'échanson de rois très, très vieux. Patrice répond que c'est pour cela qu'il porte le titre "Déchets". Il ajoute "Je ressemble de plus en plus au Président". Aussitôt des "Hou ! Hou !" réprobateurs s'élèvent de la salle.
Le Grand Echanson, imperturbable, prend le relais de Denis, et essaie d'expliquer qui était Néhémie. Le brouhaha est tel qu'il renonce après la troisième tentative. Dans un dernier effort pour couvrir le fracas des commentaires, il annonce que ce sont Michèle & Bernard Verrachia qui ont réalisé les chalets posés sur chaque table. Chevalet, Président ! Un énorme éclat de rire salue ce lapsus. Denis, plein d'à-propos, propose de boire à Michèle & Bernard. Une salve nourrie d'applaudissements approuve cette invitation. Clap ! Clap !
Le Maître des Cérémonies reprend la main et appelle au pressoir le Grand Echanson, le Maître Laudateur, les Maîtres Bouteillers et le Maître de Bouche. Puis il invite derechef les impétrants à venir participer à l'épreuve du collage.
Le Maître Laudateur leur demande s'ils sont prêts à subir les épreuves du collage. Alain Batel, fidèle à lui-même, répond d'un "Oui !" qui résonne jusqu'à Saumur.
- Le Maître Premier Bouteiller tend un verre d'eau en direction d'Irène Bureau. "On commence par la plus grande !" Vu la taille modeste de l'impétrante, la remarque provoque un tollé charivari. "La plus grande en esprit...", bégaye le gaffeur.
Puis il tend le verre en direction des autres candidats et commence à lire son texte : "Malgré quelques erreurs..." Caramba ! Denis a tourné deux feuilles en simultané ! Il reprend la bonne page : "Regardez bien ceci, observez très attentivement les nuances subtiles de ce nectar, et dîtes-moi ce que c'est."
"De l'eau", répondent en chœur les candidats.
Le Maître Laudateur : "Qu'en pense le Premier Bouteiller ?"
Le Maître Premier Bouteiller : "Je vois que l'œil est bon."
- Le Maître Deuxième Bouteiller leur passe sous le nez un verre de vinaigre :
"Quel est ce grand cru ?"
"Du vinaigre", répondent en chœur les candidats.
Le Maître Laudateur : "Qu'en pense notre Deuxième Bouteiller ?"
Le Maître Deuxième Bouteiller : "Je sens là un bon nez."
Le Maître Laudateur : "Vous n'avez jusque-là commis aucune erreur. Votre jugement n'a pas failli. Aussi, la dernière épreuve sera donc décisive pour nous et capitale pour vous."
- Les Bouteillers ont rempli quatre verres, un par candidats.
Le Maître Laudateur : "Le vin que vous goûtez est-il blanc, rosé ou rouge ?"
Les dames ont "dégusté" du rosé, les messieurs du blanc. Les yeux bandés, bien entendu !
Patatras ! A cette loterie, le malheureux Tayeb est le seul à tirer le mauvais numéro : il a répondu rosé, au lieu de blanc.
Le Maître Laudateur : "Qu'en pense le Maître de Bouche ?"
Le Maître de Bouche : "Malgré quelques petites erreurs je pense que la bouche est bonne."
Le Grand Echanson : "Haut les coupes. Santé pour tous et tous les vôtres. Buvons ! Asseyons-nous et banquetons !"
L'Echanson Epistolier n'a pas cessé de prendre des notes.
Les assiettes de fromages arrivent sur la pointe des pieds.
Puis la cérémonie reprend son cours.
Le Président commence un petit blabla. Denis le chatouille subrepticement. Le Président sursaute, ce qui le fait bafouiller. Plein d'humour, il proteste : "Je n'ai pas besoin de cela, j'y arrive bien tout seul". Puis il prie l'assemblée de se lever séant pour trinquer à la santé des nouveaux échansons. Soudain va-t'en-guerre, il rappelle à l'ordre Renzo qui n'a pas obtempéré illico.
Le Maître des Cérémonies appelle au Pressoir, le Grand Echanson, les membres du collège, les Maîtres Ambassadeurs, le Maître Laudateur. Puis il appelle derechef les candidats.
Le Maître Laudateur lit les commandements de la confrérie, puis il demande aux candidats de lever la main droite en promettant de respecter ces commandements.
Le Grand Echanson, armé du Cep, adoube les récipiendaires.
"Par Bacchus, Dieu du vin,
Par Noé, père de la vigne,
Et par Rabelais notre bon maître à tous,
Après décision de notre docte collège,
En ce jour mémorable,
Vous faisons échansons, échansonnes,
De cette respectable société,
Et que nos vins de France et de Loire
Vous rappelle à jamais
L'art du bien vivre qui est le nôtre."
Il répète quatre fois le cérémonial, puis les Maîtres Ambassadeurs procèdent à la remise des diplômes.
Renzo commente mezza voce : "On peut leur remettre leur médaille, ils ont donné leur chèque".
Après chaque remise de diplôme, le Grand Echanson embrasse la ou le nouvel échanson, et quand vient le tour d'Alain Batel, il grommelle pince-sans-rire : "Tu aurais pu te raser !". Puis il présente les parrains des nouveaux élus, Inès, Fabrice, Bernard, Patrice.
Alors la salle entonne "Président ♫, président ♫", sur un air bien connu qui ébaudit hautement notre sympathique Grand Echanson.
L'Ackermann Grande Réserve parachève cette soirée pétillante. Et comme en France tout se termine par des chansons, la salle entonne l'hymne des échansons.
Et l'Echanson Epistolier referme son carnet de notes.
Ah ! Mes amis quelle belle cérémonie ! Avez-vous vu ces futurs échansons pleins d'entrain, le regard vif, l'esprit éveillé ? Avez-vous observé ces impétrants prêts à subir les pires épreuves : érafleuse tape-à-l'œil, serments tord-boyaux, promesses assoiffantes, collage hurluberlu, intronisation coupe-jarret ? Comme ils montrèrent du courage, de la résolution, du panache. Ah ! Oui ! Digne de notre Confrérie. Et tous ces échansons gouailleurs qui les encourageaient. "A la, à la, à la santé de nos futurs confrères... ♫..." Et oui ! Ce fut joyeux, inénarrable, indescriptible.
Oui, indescriptible !
Tant pis pour l'Echanson Epistolier.
Echansonnes, échansons, buvons !
L’Echanson épistolier
Jean Louis Bourgouin