Dégustation du 10 décembre 2011
L'accord Mets & vins
Autour du Canard
Il est 16 h. La salle à manger du relais de chasse familier bruisse de salutations retrouvailles, d'embrassades nous revoilà. Dans la cheminée, des bûches enflammées répandent leur chaleur avec enthousiasme.
Rituel inévitable, le Président essaie de mettre de l'ordre dans ces échansons pagailleurs. Pas facile de canaliser quarante convives babillards, avec chacun leur couteau, leur fourchette, leur assiette, leurs verres, leur crachoir.
Enfin, Patrice peut lancer l'évènement. Il remercie Guy et Catherine (excusée) pour leur "chaleureux" accueil, et nous annonce tout à trac, que la dégustation va être studieuse : à l'aveugle ! Peste ! Il va falloir faire travailler les papilles paresseuses.
Premier mets, un foie gras mi-cuit par Denis, notre maître queux.
Pour l'accord, Patrice le chenu a prévu trois types de vins : effervescent, sec et liquoreux.
Le vin blanc sec provoque un remous ménage. Bouchonné ! grommellent certains. Patrice se saisit de l'affaire. Non. C'est un problème de réduction. Les sommeliers confrontés à ce phénomène, agitent vigoureusement le verre, et hop ! Ni vu, ni connu, tout s'arrange.
N'empêche, il n'est pas chatouille-palais ce vin blanc sec. Quelques échansons reconnaissent quand même un vin d'Alsace. Bien joué, c'est un Alsace grand cru Kaefferkopf 2004.
Quant à l'effervescent, c'est un champagne. Pas facile à reconnaître. Il est issu de pinot blanc (dit l'auxerrois sous d'autres cieux), tout à fait exceptionnel en Champagne.
Le liquoreux est moins mystérieux. Normal, c'est un Anjou. Un coteau de l'Aubance 1997.
Pour l'accord, les échansons classent l'Alsace en dernier, le champagne en second et l'Aubance en premier. Vive l'Anjou !
Denis dévoile son secret sur la cuisson du foie gras : sel, poivre, quatre épices, et 40 minutes à 80°C dans la lèchefrite. Le résultat est excellent pour la texture, un peu fade pour la saveur.
Mais Denis nous explique qu'il ne faut pas trop saler le foie avant la cuisson : cela dégénère le goût. Donc : salons après.
Pour conclure, Patrice le chenu nous donne les dernières tendances de la mode en matière de foie gras. Foin des liquoreux ! Les grands critiques de la gastronomie sur papier glacé conseillent des vins blancs secs, côtes du Rhône : Condrieu, Côtes rôties, ou bourgognes : Meursault, Chassagne-Montrachet, etc...
A ce prix, l'épistolier vous conseille (gratis) un quart de Chaume. Vive l'Anjou !
Deuxième mets, des magrets fumés.
Pour les accompagner, Patrice le chenu a fait dans l'original : deux vins blancs secs.
La majorité des échansons reconnaît le premier : un Savennières, 2001 s'il vous plait ! Le second ne soulève pas l'enthousiasme. C'est un Sylvaner vallée noble 2006. Vive l'Anjou !
Troisième mets, des magrets séchés. Accompagnés d'un Juliénas 2006 et d'un Anjou Croix de mission 2000.
Patrice le chenu demande l'opinion des échansons sur le meilleur accord mets-vin. Les avis se partagent en deux. C'est pour sûr un égarement. Vive l'Anjou !
Quatrième mets, des cœurs de canard confits.
Les cœurs sont confits, mais l'échanson est déconfit.
Denis nous raconte qu'il avait commandé des cœurs confits, mais qu'il a reçu des cœurs crus. Il les a donc fait palpiter 2 h 30 dans de la graisse de canard. Avec simplement un filet de vinaigre de framboise à la fin pour relever le goût. Pour Renzo, le résultat est original, pour les autres, un peu trop raffermis.
Heureusement il y a les vins. Le premier est identifié comme un bordeaux. En vérité, c'est un proche voisin : Bergerac Moulin Caresse 2006. Mais c'est le second qui glisse comme une caresse dans tous les gosiers. Ce nectar ne mystifie personne : un Saumur-Champigny du château de Villeneuve, l'Enclos 2002. Qui fait l'unanimité. Vive l'Anjou !
Cinquième mets, un foie gras frais poêlé.
Bravissimo le cuistot ! Le foie gras est poêlé à point. Mais toujours un peu fade. Branle-bas d'échansons pour un hold-up en cuisine. Butin, une salière. Des mains avides se tendent de toutes parts. Elle fait le tour de la tablée.
Dégustation des vins. Un cahors 2003 à la robe violacée. En compétition avec un Puisseguin Saint-émilion 2001. Le choix est difficile. Tous deux possèdent des arguments gouleyants.
Sixième mets, une effeuillée de confit de cuisse de canard, accompagnée de pommes sarladaises. Et, bien sûr, de deux vins rouges. Un madiran Viella 2001, digne d'enchanter les palais les plus difficiles. Pour le contrer, un touraine Ad Vitam 2003 de chez Michaud. Combat de titans. Accords parfaits avec le confit. Pas de vainqueur. Vive le cousin de l'Anjou !
La fin approche. Patrice, en bon président, et au nom de tous les échansons, félicite Denis et Yves, les vaillants amuse-bouche. Yves, modestement, susurre qu'il n'a fait qu'éplucher les patates. Cela n'empêche pas les échansons d'entonner joyeusement ♫ ♪ ♪ l'hymne à la santé des confrères qui nous ont régalés aujourd'hui ♫ ♪ ♪.
Le président, inspiré par l'actualité, attribue un AAA à la soirée, en ajoutant, prix abordable, qualité allemande... Toujours l'actualité.
Philippe ajoute quelques mots sur la chaleureuse complicité qui unit les échansons, chacun faisant abstraction de son statut social. Tonnerre d'applaudissements. Patrice le chenu enthousiaste s'exclame : "Tu es merveilleux mon Phiphi !"
Patrice le jeune précise que c'est le résultat du travail d'une équipe. Et il invite ceux qui n'en font pas encore partie à venir rejoindre la confrérie. Il conclue : "J'ai passé une bonne soirée avec vous et je vous en remercie."
Nous aussi Président. Un grand merci à toi.
Ah ! Mes amis, encore une vraie soirée efface-tout. Plus de crise, plus de dettes, le canard est mort ce soir. Avez-vous vu son foie bien gras s'épanouir dans la poêle de l'amitié ? Ah, ces cœurs bien cuits, bien durs, quel croquant ! Et ces effeuillées de confits de cuisses légères ! Et ces tranches de foie rissolées, moelleuses, savoureuses ! Pourrez-vous oublier comme ils s'accordaient si benoîtement avec ces vins à la robe chatoyante, au bouquet enivrant, au goût enchanteur ? Oui ! Échansons, je vous le dis, inoubliable ! Et vive l'Anjou !
Echansonnes, échansons, buvons !
L'échanson épistolier
Jean Louis Bourgouin