Voyage du 4 juin 2011
Une belle journée en Sarthe
Rendez-vous à 10 h au domaine de la Charrière, chez Joël et Ludovic Gigou, 4 rue des Caves, à La Chartre-sur-le-Loir. Cette année, point d'autocar, les participants arrivant des quatre coins de l'horizon. Donc, chacun son carrosse, sa boussole et à dieu vat.
Un peu avant dix heures, nous arrivons au 4 rue des Caves (Michèle m'accompagne). Un panneau "Gigou Viticulteur" nous incite à entrer dans la cour. Déserte. Presque. Une dame très digne fait mine de ratisser des feuilles invisibles. "Erreur, nous annonce-t-elle sur-le-champ. Gigou père et fils vous attendent dans leur cave". Qui n'est pas rue des Caves. Visiblement nous ne sommes pas les premiers à l'avoir dérangée pour rien. Quelques explications plus tard, et quelques centaines de mètres plus loin, nous trouvons un grand portail devant lequel, quelques voitures sont garées côte à côte. J'aligne ma petite auto, et nous pénétrons dare-dare dans la cours, où des échansons en quête de bonheur babillent gaiement.
Dix heures passent. Les retardataires finissent par arriver. La faute au GPS : Guidage de Parcours Saugrenu, apparemment.
M. Gigou père fait une brève présentation de l'appellation Jasnières : 130 hectares, dont 70 revendiqués en AOC. Où sont passés les soixante hectares restants ? M. Gigou nous explique mezza-voce qu'ils sont exploités par des particuliers pour leur consommation personnelle. On boit sec dans le Jasnières !
La propriété Gigou couvre 13 ha dont 7 ha en Jasnières. Le reste en Coteau du Loir.
Le cépage blanc est évidemment le chenin. Pour le Jasnières, le rendement maximum est de 55 hl à l'hectare. La famille Gigou se limite à 30/35 hl.
Pour les Coteaux du Loir rouges et rosés, assemblage de Gamay et de pineau d'Aunis.
Le gamay est stocké en fûts de chêne vieillis (jamais de fûts neufs), le pineau en cuve inox. Objectif : conserver au mieux le bouquet du terroir.
La fermentation est naturelle. Par là même, elle est très longue. La preuve, le millésime 2010 est toujours en fermentation. Le vigneron laisse le vin s'élaborer naturellement. Il se contente de surveiller l'évolution en faisant des prélèvements régulièrement. Le palais est le seul juge, sauf en fin de fermentation, où des mesures plus scientifiques viennent conforter l'avis des papilles.
Les vins blancs secs peuvent contenir jusqu'à 12 g de sucre. Heureusement le terroir et le chenin donnent de l'acidité. Tout l'art du vigneron équilibriste est donc dans le dosage subtil de ces deux éléments : sucre acidité, acidité sucre.
La propriété produit aussi des vins pétillants blancs et rouges, vinifiés en interne, à l'exception du dégorgeage qui est sous-traité.
Puis on joint la visite à la parole, en pénétrant dans la cave creusée dans le tuffeau. Quatre-vingts mètres de galeries, tapissées de bouteilles, encadrées de fûts. Une partie des parois a pris une couleur rouge surprenante. C'est de l'oxyde de fer.
Nous débouchons, plop, finalement dans l'atelier du vigneron. Une harde de verres vides nous attend impatiemment. Taïaut ! Nous attaquons la dégustation avec un rosé 2009, 60% pineau d'Aunis et 40% de gamay. Silence ! On tastevine.
Au suivant ! Un coteau du Loir blanc 2008. Particularité, un rendement de 20 hl à l'hectare seulement. Résultat : excellent !
Enfin, les choses sérieuses : les Jasnières. En commençant par la cuvée Paradis 2008, pas mal du tout. Et enfin le top du domaine de la Charrière : la cuvée St-Jacques 2009, élaborée uniquement avec des raisins issus de vieilles vignes. Plus de soixante ans. Comme moi. Bigre !
La bouteille suivante, un Paradis 2009, semble provoquer une gêne chausse-trappe chez nos hôtes. Explication franche, mais amère, de Joël Gigou. Cette cuvée a été recalée à l'examen de contrôle de l'appellation. Le jury lui a trouvé un goût de terre incompatible pour un Jasnières. Elle ne peut donc être commercialisée que sous la dénomination "vin de table". Coup dur crève-cœur pour l'exploitation. Mais pour les échansons, l'expérience est éducative. Nous goûtons attentivement ce Jasnières blackboulé. Bof ! Quand on le sait, il y a bien une riquiqui saveur de terre. Nonobstant, nous sommes surpris par la sévérité du jury.
Pour finir sur une note plus joyeuse, M. Gigou nous ouvre un St-Jacques 2003. Fort intéressant.
Fini les blancs secs, on passe au rouge.
Un coteau du Loir 2008. Pas vraiment inoubliable.
Puis aux vins blancs moelleux : cuvée "duo majeur 2006" et "sélection grains nobles 2008". Beaucoup mieux.
Et pour conclure cette excellente dégustation, un St-Jacques 1989 ! Ces Jasnières possèdent un fameux potentiel de garde.
Et pendant que les échansons se penchent sur les feuilles de commande, M. Gigou nous propose un vin pétillant rouge, "la bulle sarthoise". Ce n'est pas ce qu'il fait de mieux.
Les bons de commande sont rendus, direction l'auberge du Cheval Blanc. A la queue leu leu derrière Jean-Pierre, notre poisson pilote, nous gagnons Beaumont-Pied-de-Bœuf sans encombre. Une grande table en U nous attend. Les convives s'installent. Le Président préside. Le service commence.
En apéritif, un vin pétillant local, accompagné de trois amuse-bouche fort délectables.
Echansonnes, échansons, buvons !
Premier plat, un trio de la mer : filet de rouget, brochette de crevettes, petite coquille St-Jacques. Avec un Jasnières Philippe Sevault 2010, médaille d'argent à Paris. Délectables.
Deuxième plat, un pavé de bœuf aux morilles. Avec un Chinon Perrais-Sourdais, domaine du Moulin à Tan, vieilles vignes 2008.
Tout à trac, la patronne interrompt le festin : Joël Gigou est arrivé avec sa camionnette pour livrer les bouteilles achetées par les échansons. Les Patrice et Denis vont lui porter mains fortes pour transférer les cartons dans l'épicerie attenante au restaurant. Hé oui ! On est à la campagne.
De retour dans la salle, ils trinquent avec le vigneron. Puis ils invitent le patron à se joindre à eux. Un brouhaha de protestations parcourt les convives, qui voudraient bien trinquer eux aussi.
La fronde est interrompue par l'arrivée des fromages : un trio itou !
Et pour conclure ces agapes, un bavarois et son délicieux sorbet aux cassis.
Merci Jean-Pierre pour cette excellente adresse.
Le banquet s'achève. Le trésorier remplaçant encaisse les chèques pour les repas : "27 Euros par personne !". La boisson est offerte par la confrérie, grâce à l'économie de l'autocar.
Chacun récupère son précieux liquide dans l'épicerie.
Et en voiture, pour la troisième partie de la journée. Direction Saint-Biez-en-Belin où se trouve le jardin du "Petit Bordeaux", une autre trouvaille de Jean-Pierre. Il faut dire qu'un petit Bordeaux pour des échansons c'est vraiment une trouvaille !
En cours de route, nous avons perdu la moitié de la troupe, mais comme d'habitude ce sont les meilleurs qui restent. Mais non ! Je plaisante. Il n'empêche, la visite est très plaisante. Ce jardin intime, d'une superficie de 1,5 hectare, rassemble une incroyable collection de 3800 espèces et variétés d'arbres, d'arbustes, de rosiers anciens, de vivaces et de graminées, avec de superbes collections d'hydrangea, d'hemerocallis, de cornus kousa et florida, ainsi que d'acer palmatum (Ah ! Ah !).
Nous parcourons consciencieusement les 26 stations du parcours, enroulées autour d'un étang, miroir de la nature, de sa beauté, de ses couleurs apaisantes. Heureusement, il y a des chaises, des bancs, des fauteuils, des tonnelles, etc., judicieusement disposés. Sinon, certains ne seraient jamais arrivés au bout. Ah ! La plantureuse digestion ! Non, je ne donnerai pas de noms.
Juste pour arroser cette belle journée, le ciel disperse quelques gouttes inattendues. Quand même, de l'eau dans le Petit Bordeaux, quel sacrilège ! Pas tant que cela, car cette minuscule pluie, exhale les parfums des fleurs, exprime les senteurs des feuilles, embaume l'herbe fraîche. Un point d'orgue à cette belle journée.
Bah, oui ! Ce fut vraiment une belle et affriolante journée.
L'année dernière, j'avais conclu : "Ah ! Mes amis quel voyage ! Les absents, les excusés, les ramollos, les partis ailleurs, les mal-en-point, et tous les autres, quel dommage que vous n'ayez pu participer à cette mi-carême réchauffe corps et âme. Et bien Oui ! Je vous le dis : Quel dommage ! Heureusement vous aurez une session de rattrapage... l'année prochaine."
Il me semble que nombreux sont ceux qui ont raté la session de rattrapage. Quel dommage ! Alors, à l'année prochaine ?
Echansonnes, échansons, buvons !
Jean Louis Bourgouin